1940-1942 : Du fichage à l'exclusion des élèves juifs
En 1940, le Conservatoire, alors situé rue de Madrid, dans le 8e arrondissement de Paris, enseigne la musique, la danse et l’art dramatique. Il est dirigé depuis 1920 par Henri Rabaud, remplacé par Claude Delvincourt à partir d'avril 1941.
Dès la promulgation du premier statut des Juifs le 3 octobre 1940, l’administration de l’école réalise une enquête afin d’identifier et répertorier les élèves juifs1. A l’issue de l’enquête, une mention spéciale est apposée en rouge sur les registres des élèves pour caractériser ceux qui sont considérés comme « Juif », « 3/4 Juif », « 1/2 Juif » ou « 1/4 Juif », selon le nombre de grands-parents déclarés. Cette annotation figurera également pour les élèves admis l’année suivante, en 1941-1942.
Au total, 42 élèves sont ainsi fichés, ce qui témoigne de la mise en oeuvre au sein du Conservatoire de la politique anti-juive décidée par l’occupant et le gouvernement de Vichy.
Entre 1940 et 1942, la Direction du Conservatoire sollicite les autorités françaises et allemandes sur les mesures concrètes à appliquer. Faut-il interdire aux élèves juifs de concourir pour les récompenses, afin de ne pas risquer de leur décerner un prix ? Le nombre d'étudiants juifs admis à s'inscrire dans un établissement d'enseignement supérieur étant limité à 3%2, faut-il imposer ce numerus clausus par classe, par année, par unité d’enseignement ? Ces questions sont définitivement tranchées par une lettre ministérielle du 21 septembre 1942 stipulant que : « Il convient de ne maintenir ou de n'admettre au Conservatoire aucun élève juif. »3. Ainsi, 21 élèves juifs4 sont exclus le 1er octobre. Ils sont pour la plupart français et ont entre 11 et 30 ans.
Après la Libération de Paris en août 1944, douze d'entre eux sont réintégrés « par annulation des lois contre les Juifs ». Certains feront des carrières brillantes d'artistes ou de professeurs, en France et à l'étranger. D'autres ont vu leur destin fauché : Jacqueline Goldstein et Hélène Heskia ont été déportées et assassinées à Auschwitz et Maxime Rapoport, engagé dans la Résistance, a été exécuté avec d'autres combattants du maquis de la Creuse.
La médiathèque leur rend aujourd'hui hommage et vous invite à découvrir les parcours de ces 21 élèves.
Qui sont les 21 élèves exclus ?
Notes
1. Gribenski Jean, « L'exclusion des Juifs du Conservatoire (1940-1942) », in Myriam Chimènes (dir.), La Vie musicale sous Vichy, p. 143-156.
Gribenski Jean, « L’antisémitisme au Conservatoire : du recensement des élèves juifs à leur exclusion (1940-1942) », Revue d’Histoire de la Shoah, 2013/1 (N°198), p. 363-381. En ligne
2. Loi du 21 juin 1941 réglant les conditions d'admission des étudiants juifs dans les établissements d'enseignement supérieur.
3. Il s'agit d'une lettre du ministre de l'Éducation nationale, Abel Bonnard, au Directeur du Conservatoire, Claude Delvincourt.
Delvincourt informe ensuite les élèves concernés qu'ils seront rayés des contrôles à partir du 1er octobre 1942.
4. Selon les lois de Vichy, est considéré comme juif tout individu « issu d'au moins trois grands-parents de race juive, ou de deux seulement si son conjoint lui-même issu de deux grands-parents de race juive. » (Loi du 2 juin 1941 remplaçant la loi du 3 octobre 1940 portant statut des Juifs).
Crédits
Exposition virtuelle réalisée par le service Médiathèque et Archives du Conservatoire de Paris
Conception et coordination : Sophie Lévy
Contributeurs : Sophie Lévy, Corrine Morel, Adeline Quillard, Pascal Leray, Cécile Grand, Isabelle Gauchet-Doris, Philippe Bourgeade
Remerciements
Nous adressons nos vifs remerciements à :
Malka Marcovich, Chris Aubert, Boston Symphony Orchestra, Arolsen Archives, Yad Vashem