La radio s'invite dans les foyers et les institutions
La France des années 1930 est majoritairement un pays de ruraux qui conserve encore dans ses structures et ses mentalités des traits d'un passé marqué par un programme social lent.
Le programme d'électrification rural entrepris à partir de 1928 gagne progressivement l'ensemble des villages français. Les audiophiles sont toujours plus nombreux surtout dans les villes du Nord de la France mais aussi dans les campagnes auprès des agriculteurs.
Les publications de nombreuses brochures et d’articles de journaux comme La T.S.F pour tous incitent les auditeurs bricoleurs passionnés à monter en kit leur propre récepteur.
En 1928, arrivent sur le marché français des postes d’autres pays d’Europe et des États-Unis, construits industriellement en grande série. Les récepteurs des constructeurs étrangers alimentés par secteur sont plus faciles à régler que leurs homologues français qui nécessitent piles, accumulateurs, antennes : des récepteurs coûteux, encombrants, complexes à utiliser et réclamant un entretien régulier. Pour contrer cette importation massive, les constructeurs français qui jusqu’alors produisaient de façon artisanale et à la pièce, vont simplifier leurs appareils et produire des postes monoblocs midget à secteur comportant seulement trois boutons. |
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La T.S.F. dans les campagnes
Un des premiers soins du Comité des Émissions de Radio-Paris fut de rechercher quels services efficaces et réels, la radiodiffusion pouvait rendre aux agriculteurs. Monsieur Ricard, ancien ministre de l'Agriculture, fut chargé de préparer un projet d'émission spécialement destiné aux agriculteurs. Dans ce rapport au comité, il proposa de diffuser en fin de journée, au moment où les travailleurs des champs sont revenus à la maison, un communiqué agricole composé de deux parties :
- un communiqué météorologique qui devait permettre aux cultivateurs avisés la possibilité d'éviter des pertes importantes ou de s'assurer des gains sérieux ;
- une série de renseignements et de nouvelles à caractère pratique comme : des conférences sur les maladies des animaux, les progrès de la culture, les cours des produits agricoles ; toutes les questions qui englobent ce qui a trait à la ferme, de la production à la consommation, en passant par la vente, l'écoulement et l'acheminement des produits.
Radio-Agricole dans son numéro d'août 1928 publie un article de Monsieur Ricard, où il signale que le dépeuplement des campagnes et l'encombrement des grandes villes est dû au manque de distractions et d'amusements dans les petits villages et les hameaux.
« La T.S.F. sera peut être un facteur qui diminuera cette dépopulation, mais actuellement, le prix des postes de T.S.F. d'une part, leur difficulté relative de manipulation, les frais souvent considérables d'entretien, sont à notre avis une des causes pour lesquelles les ruraux ne sont pas encore venus d'une façon complète, à la radiophonie. Le jour où un constructeur sérieux lancera sur le marché un poste à deux lampes simplement réglé sur Radio-Paris par exemple, de telle sorte que sans aucune manipulation et sans aucune recherche l'auditeur pourra avoir ce poste, ce jour-là, avec une publicité raisonnable, il amènera à la radiophonie une clientèle considérable. » Auteur inconnu.
Radio-Sélection, n°111 du 8 septembre 1928
La T.S.F. à l'hôpital, auprès des infirmes et des personnes âgées
Dès 1925, en France, des groupements se mettent en place autour de la radiodiffusion. La radio aux aveugles (1927) ou L’œuvre de la T.S.F à l'hôpital (1928) occupent une place importante. La radiophonie permet aux hospitalisés privés de tout contact avec l'extérieur et aux infirmes de trouver moins longues les heures d'oisiveté et d'isolement et de maintenir un lien avec le monde extérieur
Concert par TSF à l'hôpital pour enfants malades à Londres, 1923, [photographie de presse] / [Agence Rol] |
« Le groupement L’œuvre de la T.S.F à l'Hôpital présidé et dirigé par Monsieur Victor Charpentier, a pour but de doter les hôpitaux de Paris et les hospices de postes de T.S.F.
Le journal Le Matin, toujours un des premiers lorsqu'il s'agit de bonnes œuvres, a décidé d'offrir 10 postes de T.S.F aux dix hôpitaux suivants : l'Hôtel-Dieu, la Pitié, la Charité, Necker, Cochin, Lariboisière, Laënnec, Broussais, Boucicaut et Vaugirard. Nous profitons de cette nouvelle, pour signaler qu'il existe des sanatoria de tuberculeux, dépendant de l'Assistance publique, où les hospitalisés occupent leurs loisirs dans la construction de petits postes de T.S.F. et nous estimons qu'il serait intéressant de les aider.
Nous reviendrons sur cette question prochainement. » Auteur inconnu.
Radio-Sélection, n°101 du 7 avril 1928
La T.S.F. et l’éducation populaire, la culture
Dès les débuts de la radiodiffusion, l'idée d'enseigner par T.S.F. a pris naissance.
Radio-Paris a voulu aider ses auditeurs en diffusant régulièrement des cours sur les ondes et en mettant à leur disposition des ouvrages où les leçons faites au poste étaient imprimées et pouvaient être relues ou préparées à loisir.
Radio-Paris diffusait des cours d'anglais et des cours élémentaires d'allemand, des cours de comptabilité et de commerce, des leçons journalières de culture physique. Pratiquées notamment au sein des écoles et réduites à dix exercices, elles ne dépassaient pas 15 minutes.
Radio-Paris diffusait aussi des cours d’interprétation pianistique, des causeries musicales de propagande avec audition de disques. Les œuvres musicales occupent une place de prédilection dans les émissions radiophoniques. Auparavant réservée à une classe sociale aisée, la musique s’invite désormais chez tous les Français par la T.S.F, qui en permet l’écoute collective. Initiés, certains auditeurs sont alors plus à même d'apprécier les concerts gratuits publics donnés en direct par les stations de radio.
Si en France, en 1925, on estime à 100 000 le nombre de récepteurs de T.S.F., on en dénombre cinq millions en 1939.
Les progrès techniques, un besoin social ou culturel des Français dont le temps de loisir s’accroît et une volonté politique ont permis de réduire le retard de la France même si, à la fin des années 30 la couverture du pays en nombre d’émetteurs reste incomplète.
En quelques années seulement, la radiodiffusion devient à la fois une source de distraction familiale, un procédé d'éducation populaire et de partage. Agriculture, commerce, œuvres sociales, littérature, cours de langue, sports, sciences et arts trouvent en elle un instrument de «propagande et de vulgarisation». La T.S.F. est un lien entre les hommes et les peuples. Elle les instruit, les renseigne et favorise des échanges plus profonds, plus rapides.