Hommage à Florence Badol-Bertrand
Musicologue, hautboïste et enseignante au CNSMDP, Florence Badol-Bertrand s'est éteinte le 26 décembre 2020.
Les 3 et 4 décembre derniers, le Conservatoire lui a rendu hommage, en mots et en musique.
Cet hommage s'est déroulé sous la forme d'une soirée de concerts et d'une journée d'étude.
Retrouvez le programme complet ici.
Professeure d’histoire de la musique unanimement reconnue, Florence Badol-Bertrand a formé des générations de musicologues et marqué le monde de la musique. Admise au Conservatoire en 1984, elle avait étudié l'histoire de la musique et l'esthétique. Elle est devenue professeure en 1993.
Comme l'écrit très justement le musicologue Denis Morrier, enseignant au CNSMDP, dans l'hommage qu'il lui a rendu dans les pages de la revue Diapason, « c'est Mozart qui est au coeur vibrant de ses recherches, comme en témoignent notamment un livre-disque somptueux sur le Requiem (HM) et un touchant Mozart ou la vie (Séguier) : deux oeuvres aussi érudites qu'accessibles au mélomane. Titulaire depuis 1987 du premier CA de Culture musicale, elle enseignait au Conservatoire de Saint-Étienne ainsi qu'au CNSM de Paris, transmettant avec une inépuisable générosité son amour de la musique et de son histoire. »
POUR UNE MUSICOLOGIE PARTAGEE
Dans la conclusion de son Habilitation à diriger des recherches, soutenue en 2011 à l'Université Lille 3, elle résume ainsi son approche très sensible de la musicologie :
« Ma démarche pédagogique repose donc sur un questionnement musicologique, analytique, organologique, historique, social, littéraire... - dont je voudrais que les étudiants comprennent qu’il s’agit d’un outil destiné à servir la pratique, la réalisation et la création musicales. Il faut déjà assumer le fait que notre sensibilité à l’inconnu est plutôt encline à la paresse – connaître c’est re-connaître avait déjà dit Platon. Les remises en question et le soulèvement de paradoxes ou d’antithèses ne constituent donc pas l’aspect le plus familier de notre démarche. Par conséquent, j’essaie de transmettre – et d’appliquer moi-même – qu’il est important d’attiser en permanence, de remettre sur le métier, de ne jamais accepter au comptant. L’interrogation des sources constitue le point de départ d’un cheminement empathique avec l’œuvre, le style, le compositeur... Ces sources n’expriment cependant rien d’autre qu’elles mêmes, ce qui justifie que leur utilisation permet d’étayer librement des choix et d’élaborer un concert, un concert-lecture ou un spectacle musical selon une dramaturgie signifiante. Choix d’autant plus libres qu’ils seront fondés non pas sur une vérité accréditée et reconnue mais sur une ou des vérités parmi les possibles, que l’interprétation met au jour. Le résultat en est, par conséquent, personnel et subjectif et chacun des moments créés est une espèce d’hapax musical. Dans sa fugacité, le concert est alors symbolique de l’histoire qu’il nous raconte et la met en abîme, insaisissable, instantanée puisque passée. Dans le cadre d’un enseignement de conservatoire, je m’adresse à quelques futurs musicologues que je rencontre au niveau du Diplôme d’Etudes Musicales en histoire de la musique au Conservatoire de Saint-Étienne et au niveau du « certificat B » ou unité de valeur de méthodologie et d’histoire de la musique du premier cycle au C.N.S.M.D.P. . Si je les accompagne dans un parcours de deux années scolaires environ, c’est que ces facettes spécifiques de mon enseignement de la recherche - que je leur présente en début de cursus - leur conviennent et qu’ils souhaitent œuvrer dans ce sens. Au sein d’un conservatoire, les réalisations musicales sont facilement envisageables et l’expérimentation peut passer naturellement du virtuel au concret. Par ailleurs, les membres de ces classes sont souvent d’excellents instrumentistes. Dans mon cours du C.N.S.M.D.P., certains étudient à l’extérieur mais d’autres ont franchi la sélection drastique des concours d’entrée instrumentaux. Je souhaite donc que cet enseignement oriente leur vie d’instrumentiste et qu’ils adoptent, en quelque sorte, une attitude de musicien-chercheur ou de chercheur-musicien, sans jamais lâcher l’un pour l’autre des deux aspects de leur apprentissage et de leur pratique.
Il faut, par ailleurs, prendre conscience de la réalité de l’évolution du métier ces dernières années. Peu nombreux sont ceux qui s’installeront devant un pupitre d’orchestre national pour jouer la partition qui y aura été déposée. Dans les conditions de survie de notre corporation, il y a donc, inéluctablement, le fait d’aller de l’avant par des initiatives fondées sur la recherche et la transmission. »
Quelques photos de sa classe sont conservées dans les archives du Conservatoire :
Photo Garance Li (2009) | Photo Garance Li (2010) | Photo B. de Saint-Maurice (2011) |
Son documentaire sur Hélène de Montgeroult, réalisé à l'occasion du 250ème anniversaire de la compositrice, en 2014, est consultable sur la chaîne YouTube du CNSMDP. Le DVD a été édité par le Conservatoire.
On pourra également consulter l'hommage que lui a rendu la RTBF.
Avant-propos du livre-CD Requiem, au coeur de l'oeuvre ultime de Mozart,
de Florence Badol-Bertrand, paru en 2006 aux éditions Harmonia Mundi
La médiathèque conserve plusieurs ouvrages de Florence Badol-Bertrand : sa thèse, Evolution de la pratique du hautbois à Paris de la fin du règne de Louis XIV à la fin du premier empire, son imposant livre-CD Requiem, au coeur de l'oeuvre ultime de Mozart ou encore le CD-Rom Cosi fan tutte, la visite interactive d'un opéra de Mozart. A noter également, les éditions d'oeuvres de Louis Jadin et de Joseph-François Garnier, qui témoignent de son importante contribution à la redécouverte du répertoire français des XVIIIe et XIXe siècles.