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Musique électroacoustique mixte et patch

La musique électroacoustique mixte est un des champs d'exploration privilégiés de la musique d'aujourd'hui. Que serait la musique contemporaine sans les dispositifs qui ont rendu possibles des oeuvres telles que le Dialogue de l'ombre double de Pierre Boulez ou Mikrophonie de Karlheinz Stockhausen ? Mais que sait-on d'eux, en-dehors des experts que sont les réalisateurs d'informatique musicale et certains compositeurs ? Avec l'aide du Service audiovisuel du Conservatoire, la médiathèque Hector Berlioz s'est plongée dans les arcanes de l'électronique musicale pour donner un premier aperçu de ce que sont les "patchs".

 

ordinateur et table de mixage

 

Illustration : patch du Concerto pour disklavier de Hiromichi Kitazume.

Les patchs, nous disent Alain Bonardi et Jérôme Barthélemy, sont "des modules logiciels de commande (par exemple de déclenchement et de synchronisation de dispositifs numériques) et de traitement du signal utilisés dans les arts de la performance au sens large, comme la musique, la danse, le théâtre, la vidéo, ou encore les œuvres associant plusieurs arts". Si le terme est parfois discuté, le patch est au cœur de la création électroacoustique "mixte" d'aujourd'hui. Plutôt qu'un exposé théorique abstrait, nous vous proposons un parcours d'œuvres qui montre toute la diversité des dispositifs utilisés, à travers les notices réalisées par Jacques Warnier qui permettent, pour la première fois, de proposer au public une description à la fois synthétique et détaillée des dispositifs employés dans la musique électroacoustique mixte.

Comme on le verra, il n'est pas seulement question de "modules logiciels". Le patch est le pivot de dispositifs très variés, qui impliquent à la fois l'outil informatique et une composante matérielle allant du haut-parleur à la pédale d'effet, en passant par le microphone et le synthétiseur... Toute la difficulté est là : pour décrire un patch, il faut à la fois détailler ses composants informatiques, les matériels informatiques dont l'obsolescence est parfois extrêmement rapide, les appareils utilisés pour la restitution du son (hauts-parleurs, microphones, tables de mixage...), l'organisation spatiale du dispositif ou encore la procédure d'installation du patch. Sans parler de la dimension historique, qu'il est parfois essentiel de pouvoir retracer pour restituer, aussi fidèlement que possible, l'effet recherché à l'origine par le compositeur.

Ce dossier est également l'occasion de découvrir ou de redécouvrir des œuvres dont certaines sont déjà des classiques tandis que d'autres, plus récentes, témoignent de la vigueur et de l'inventivité des compositeurs et compositrices distinguées par le Prix de composition du CNSMDP.

 

La solitude du RIM

 


Gérard Grisey, Prologue

La pièce de Gérard Grisey a été publiée en 1978. La pièce était à l’origine pour alto et résonateurs acoustiques, s'appuyait sur la résonance par sympathie. Le patch n'est pas seulement une "mise à jour" mais nécessite un véritable travail de recréation de la part du réalisateur d'informatique musicale. La notice du patch rend compte de l'adaptation du dispositif original réalisée par Eric Daubresse.


 

Kaija Saariaho, Vent nocturne

"L'idée de vent nocturne ("night wind") m'est venue pour la première fois en lisant une édition bilingue des poèmes de George Trakl", explique la compositrice, qui précise : "Le synchronisme entre les deux langues - français et allemand - me conduisit à méditer sur la relation entre l'alto et l'électronique."

Le caractère poétique de l'image ne doit pas occulter la complexité du dispositif que révèle la notice du patch. Kaija Saariaho a également la particularité de mettre à disposition de tous sur son site personnel les patchs de ses oeuvres utilisant l'électronique et toutes les instructions nécessaires à leur déploiement. Un exemple à suivre !


 

Luis Naon, Senderos... que bifurcan

L'audition de cette pièce sur un dispositif stéréophonique ne donne qu'une idée incomplète de l'oeuvre puisqu'elle utilise un dispositif de spatialisation qui ne se déploie pleinement que dans une salle de concert ou sur un équipement adapté. La notice du patch, très complète, montre bien les complexité de la musique spatialisée dont le dispositif nécessite des conditions d'exécution particulière.


 

Yann Maresz, Metallics

Créée à l'IRCAM en 1995, cette pièce utilisait à l'origine un dispositif très spécifique, difficile à exporter en d'autres lieux. Les différentes reprises de l'oeuvre ont ainsi donné lieu à autant d'adaptations, soit en temps réel soit en sons fixés. La notice du patch retrace l'historique complet des mises à jour et évolutions qui ont abouti à la version actuelle.


 

Hector Parra, Chymisch

Dans cette pièce d'Hector Parra, on retrouve bien des caractéristiques déjà présentées telles que spatialisation, transformation du son en temps réel et déclenchement d'effet par le musicien. S'ajoute ici une dimension : l'interprète peut lui-même suivre le déroulement de l'électronique en temps réel par un ordinateur relié au dispositif géré par le réalisateur d'informatique musicale ou l'ingénieur du son. Comme le montre la notice du patch, 'interaction entre le musicien "vivant" et son environnement électronique s'en trouve encore renforcée.


 

Jacob Ter Veldhuis, Billie

Cette pièce met en regard le saxophone, joué par un instrumentiste, et une bande son principalement composé de fragments de paroles prononcées par Billie Holiday dans un environnement stéréophonique. La transformation de la "bande" en patch permet de renforcer la synchronisation de l'instrument avec son environnement sonore qui nécessite un phasage d'une extrême rigueur. Comme l'indique la notice du patch, deux modes de fonctionnement sont disponibles sur le patch, l'un pour le concert et l'autre pour la répétition de la pièce.


 

Florent Caron Darras, Sentinelle nord

Créée en 2017 dans le cadre du Prix de composition du CNSMDP, le dispositif électronique de cette pièce s'appuie sur 119 fichiers sons de synthèse spatialisés sur 8 haut-parleurs. Une mise à jour a été nécessaire, d'où l'existence de deux manifestations distinctes pour la notice du patch. A noter que le spectrogramme qui illustre la vidéo a été réalisé avec l'acousmographe 3.7.1 du GRM.


 

Aurélien Maestracci, Je t'attendrai là où je sais que tu ne seras pas (et m'effondrerai de ne pas t'y rencontrer)

Cette œuvre a été produite dans les studios électroacoustiques du CNSMDP,  par le compositeur alors en cursus d'électroacoustique et reprise en 2015 par la violoniste Marie Ythier, ce qui a donné lieu à une mise à jour du patch initial, stabilisé par Etienne Graindorge. La notice du patch rend compte de cette évolution en proposant deux expressions distinctes, correspondant aux deux états existants de la partie électronique de l'oeuvre d'Aurélien Maestracci.


 

Georgia Spiropoulos, Saksti

Cette pièce synthétise bien les différents apports de la musique électroacoustique mixte : l'instrument est véritablement "augmenté" par l'électronique qui permet à la fois de disperser le son dans l'espace et de créer des continuités que l'acoustique naturelle ne connaît pas. La notice du patch donne un aperçu assez précis de la complexité de l'installation.


 

Patch du Concerto pour disklavier de Hiromichi Kitazume